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CHARLES GUÉRIN.

C’est ce qui manque dans beaucoup de vieilles paroisses où l’on semble avoir eu horreur du plus utile et du plus bel ornement de la nature.

Dès qu’un certain nombre de colons se furent fixés à demeure sur leurs terres, ils demandèrent l’érection canonique et civile d’une nouvelle paroisse. Ce fut là le nœud gordien de toute l’affaire. Charles n’évita un procès qu’à force de diplomatie.

Il s’agissait d’enlever à la vieille paroisse toute la nouvelle concession de La Grillade et une partie du vieux rang appelé Trompe-Souris. Le curé et les marguilliers fesaient bon marché du township ; mais ils réclamaient comme leur tout ce qui se trouvait dans la seigneurie. Les vieux établissemens des Belles-Amours, du Brûlé, du Côteau, et du Bord-de-l’eau se levèrent en masse contre le démembrement projeté.

L’évêque hésitait, craignant que les frais du culte prélevés, il ne restât point à ces braves gens de quoi faire vivre un prêtre, lorsqu’un jeune vicaire à qui l’on destinait une des meilleures cures, vint se jeter à ses genoux et lui demanda comme une faveur d’être chargé de la petite colonie. C’était Pierre Guérin, qui voyait avec orgueil son frère accomplir ce qui avait été un des rêves de sa jeunesse. Il apportait à l’œuvre naissante le concours de son zèle, de son activité, de son intelligence décuplés par les forces imposantes de la religion.

Il se rendit immédiatement au milieu des colons et les encouragea de son exemple, de ses discours et de ses prières. Ceux-ci construisirent sur le point le plus élevé et le plus pittoresque une humble chapelle de bois, dont le nouveau curé se montra aussi fier que de la plus belle cathédrale de France ou d’Angleterre.

Pierre à force de raison, de douceur et de persévérance, sut prévenir les discordes qui menaçaient sa jeune chrétienté, soit au sujet de l’église, soit à propos des chemins ou des écoles. Son grand secret consiste à ne jamais dicter d’autorité à ses paroissiens ce