de placer un vieux magistrat, fort intègre du reste, et tout à fait digne de l’estime que ne lui ménageaient pas même ses ennemis. C’était un conseiller près la cour d’appel. Il était fils du grand Broussais ; les caprices de la fortune l’avaient placé dans un état presque voisin de l’indigence, en même temps qu’un mariage d’amour lui mettait sur les bras cinq filles à doter.
Ce Broussais avait obtenu une place de conseiller à Pondichéry, où il avait d’abord amené sa famille qu’il renvoya en France après quelques mois de séjour. Le voyage de la nichée, aller et retour, coûta en moins d’un an la somme assez ronde de 26,000 francs au trésor. Aussi le père Broussais était-il un épouvantail pour l’administration locale, qui s’attendait à chaque instant à une nouvelle demande de crédit pour le transport de cette collection de filles à marier.
Il n’en fut rien. Le conseiller Broussais se résigna à vivre seul dans l’Inde. Il laissa en France sa famille avec laquelle il partagea son traitement, ce qui réduisit de moitié ses ressources. Autant par goût que par nécessité, il s’enferma dans sa maison comme dans une forteresse et n’en sortit que pour aller à la Cour.
Le reste du temps, la nuit surtout, on apercevait sa grande silhouette aller et venir sur sa terrasse à la façon de l’ours Martin dans sa fosse. Cette solitude ne fatiguait point Broussais parce qu’elle était tout à fait volontaire, et il en profita pour se livrer à de mysté-