Page:Chavette - Les Petites Comédies du vice, 1890.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Elle est impossible à accepter !

— Alors, tu ne veux plus te marier ?

— Mais si, mais si, parrain. Seulement dans la proposition de monsieur, vous oubliez le détail.

— Ta, ta, ta, tu déplaces la question, mon enfant. Précisons, précisons. Tu ne peux te marier faute d’une dot ; c’est bien cela, n’est-ce pas ? Or, cette dot, on te l’offre ; accepte-la. Que diable ! qui veut la fin veut les moyens.

— Mais, justement, parrain, c’est parce que je veux la fin que je ne puis renoncer aux moyens.

Le baron prit son air ébahi :

— Quelle singulière jeunesse nous avons aujourd’hui ! De mon temps, on aurait tout sacrifié pour la femme aimée, tout, oui, tout !

— Vous calomniez votre temps, parrain. On n’était pas si bête !

Notre débat fut interrompu par le sauvage, qui était resté muet pendant l’altercation. Il s’approcha de moi et me dit sèchement :

— Je vois où vous désirez en venir. Soit ! je donnerai le demi-million ; mais acceptez vite ; car, je vous le jure, c’est mon dernier mot.

Comme il me barrait le passage, je le fit pirouetter, j’ouvris la porte et je m’élançai dans l’escalier, poursuivi par la voix aiguë du baron qui criait : « Vit-on jamais pareil garnement ! Insulter un galant homme qui lui offre une fortune ! Singulière jeunesse que celle d’aujourd’hui ! Et ça prétend aimer ! »

En quittant la maison du parrain, j’avais pris le chemin de mon domicile. Encore tout chaud de cette malencontreuse scène, je marchais comme