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Page:Chazel - Le Chalet des sapins, 1875.djvu/17

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le chalet des sapins

Tous les ans, à la mi-avril, sitôt que le gai soleil commençait à réchauffer les bois, nous quittions Saverne pour cet Éden. Nous arrivions avec les feuilles, et nous ne consentions à leur dire adieu qu’à l’époque où à la pointe des branches dépouillées s’accrochaient les premiers cristaux de givre. À vrai dire, notre père ne se sentait heureux que pendant ces quelques mois de vie champêtre. Les changements qui s’étaient succédé dans l’état politique de la France l’avaient depuis plusieurs années écarté des affaires publiques. La vie au grand air, les travaux de la ferme et les soins de notre éducation étaient une compensation nécessaire aux habitudes d’activité de son existence passée.

Mon père avait servi dans les armées de la Révolution ; la grande levée de 1792 l’avait trouvé en possession d’un emploi d’ingénieur qu’il devait à son seul mérite. Âgé de trente ans à peine à cette époque, il était plein d’ardeur, de vie et de dévouement, et avait mis au service de la patrie en danger son bras et ses connaissances. Entré dans le corps du génie, pour lequel le désignaient ses aptitudes spéciales, il avait fait la campagne de l’Argonne, puis le siége de Toulon et enfin l’expédition d’Égypte. Capitaine à Tou-