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Page:Chazel - Le Chalet des sapins, 1875.djvu/18

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le chalet des sapins

lon, il était colonel à Aboukir, quand une blessure grave vint le condamner à l’inaction.

La blessure fut lente à guérir. Ce ne fut qu’après le 18 brumaire que mon père put rentrer en France ; les idées pour lesquelles il avait versé son sang étaient persécutées. C’est alors qu’il avait pris le parti de se retirer à Saverne. Il s’y était marié et s’était remis dès lors avec ardeur aux études qui avaient marqué le début de sa carrière. Les dernières années de l’Empire l’avaient confirmé dans ses goûts de retraite, mais notre pauvre mère était morte peu de jours après la naissance de Maurice, et de cette époque datait sa rudesse involontaire, qui n’était, à vrai dire, qu’une attitude d’esprit sous laquelle se cachaient ses tristesses.

Ces brusqueries d’ailleurs n’avaient rien de bien terrible ; c’étaient des averses qui ne mouillaient guère. Tout le monde savait, et nous ses enfants nous savions mieux que tout le monde encore, que de bonté cachait cette sévérité apparente, que d’indulgence couvraient ces dehors un peu rudes. Nul n’ignorait non plus à la suite de quels événements le meilleur de sa gaieté naturelle s’était envolé avec le charme de sa vie.