Page:Chefs-d’œuvre de Lord Byron, trad. A. Regnault, tome II, 1874.djvu/59

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Est ébloui du jour. Doit-il croire ses yeux ?
Sa main s’est remuée, et le bruit de sa chaîne
Dit rudement qu’il vit bien en réalité.
« Que vois-je ? est-ce une forme humaine, aérienne ?
Mon geôlier est donc bien merveilleux en beauté ? »
« Captif, à tes regards je suis une inconnue,
Mais non pas insensible à de rares bienfaits
Tels que ceux de ta main. Sur moi fixe ta vue
Et souviens-toi de moi. Rappelle-toi les traits
De celle que ton bras sut préserver des flammes
Et d’une soldatesque encor pire à des femmes.
Je viens la nuit, non point pour te faire souffrir…
Pourquoi ? je ne sais pas ; non pour te voir mourir. »
« S’il est ainsi, tes yeux, compâtissante dame,
Tardent seuls à jouir d’un aussi doux espoir ;
Mon ennemi remporte… Eh bien ! c’est son devoir.
Mille grâces, pourtant, à cette bonté d’âme,
À la tienne qui daigne, en charitable sœur,
M’octroyer en ces lieux un si doux confesseur ! »
Un enjouement badin se mêle, chose étrange,
À l’extrême douleur ; faible soulagement !
C’est un sourire amer, mais c’est de l’enjouement ;
Et ce sourire, hélas ! ne donne pas le change.
Mais on a vu le sage et l’homme le meilleur
Jusque sur l’échafaud prendre ce ton railleur !
Cependant nulle joie au fond de ce sourire :
Il trompe tous les cœurs, sauf le nôtre au dedans.