Page:Chefs-d’œuvre de Lord Byron, trad. A. Regnault, tome II, 1874.djvu/88

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De son malheur il est la cause involontaire ;
Mais ces griefs poignants dont il se sent blessé
Saignent, muets, profonds, en palpitant mystère,
Sans accent, dans ce sein, ténébreux sanctuaire.
La brise cependant soupire avec faveur
Sur le flot calme et bleu qui folâtre se joue,
De ses glapissements en caressant la proue.
Bientôt à l’horizon au loin et sans couleur
Surgit un point, un mât, d’un navire la voile,
Son quart a reconnu le frêle bâtiment,
Le vent souffle, d’en haut gonfle la vaste toile
Qui s’avance, apparaît majestueusement
Rapide sur sa proue, en ses flancs menaçante.
Au-dessus de la barque un éclair a jailli,
Une balle a sifflé sur l’abîme glissante.
De son rêve sortant, Conrad a tressailli,
De son œil exilée éclate enfin la joie.
« C’est là mon pavillon, oui, c’est bien ma couleur,
Mon drapeau rouge sang de nouveau se déploie.
Je ne suis donc pas seul sur mer, dans mon malheur.
L’on croise les signaux et le salut fidèle ;
La voile lâche, on met en panne la nacelle.
C’est Conrad ! c’est Conrad ! tous ont crié du bord.
Voix du chef ni devoir n’arrêtent ce transport.
Joyeux, ivre d’orgueil, chacun des siens l’admire ;
Quand on le voit monter aux flancs du bâtiment.
Sur ces visages durs reparaît le sourire ;