Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/103

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— J’en suis fâché, mon oncle, mais votre secret ne vous rend pas heureux. Qu’est devenue votre brillante gaieté ? Vous me semblez sombre aujourd’hui comme un verrou de prison. Ne seriez-vous pas tourmenté par quelque remords ?

— Où prends-tu que j’aie des remords ? C’est cette maudite pluie qui m’agace. Regarde le lac, il est trouble et hideux. Pleut-il toujours dans ce pays ? As-tu un baromètre ?

— En voici un, derrière vous, et tout à votre service. Mais, je vous prie, racontez-vous vos secrets à ma mère ? Ce brouillon de lettre que vous deviez me montrer, l’avez-vous dans votre poche ? »

Le marquis ne répondit ni oui ni non. Il allait et venait dans la chambre, en maugréant contre la pluie qui rendait tout impossible, et de temps en temps il retournait au baromètre, qu’il tapotait avec insistance dans l’espoir de le décider à marquer beau fixe. Puis, au milieu d’une jérémiade, il prit son chapeau et sortit aussi brusquement qu’il était entré, malgré les efforts que fit son neveu pour le retenir à déjeuner.

Le lendemain, qui était un dimanche, il ne plut pas, grâce à Dieu ; mais en revanche il venta grand frais. Le lac, fouetté par la bise, ne se possédait