Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/140

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dans l’âme. Ce qu’il regrettait amèrement, c’était moins une femme qu’un songe. Pendant de longs mois, une chimère avait été la délicieuse compagne de sa vie ; elle ne le quittait pas, elle s’intéressait à tout ce qu’il faisait, elle mangeait et buvait avec lui, elle travaillait avec lui, elle rêvait avec lui ; elle lui parlait, et il lui répondait, et ils se comprenaient à demi-mot ; elle avait une voix qui lui fondait le cœur, elle avait des cheveux blonds qui un jour avaient frôlé sa joue, elle avait aussi des lèvres que deux fois les siennes avaient touchées. En y pensant, il lui prit une colère qui fit diversion à sa douleur ; le pauvre et naïf garçon aurait beaucoup donné pour ravoir ses deux baisers.

Cependant il conservait encore un vague espoir.

« Non, cela ne se peut, cela ne se passe pas de la sorte, pensait-il. Il est impossible qu’elle m’ait laissé partir ainsi pour toujours. Elle me rappellera, elle est occupée à m’écrire. Avant minuit, Jacquot viendra, m’apportant une lettre qui expliquera tout. »

Jacquot ne vint pas, et bientôt une horloge voisine sonna minuit. Cette voix lamentable ressemblait à un glas funèbre ; cette horloge pleurait quelqu’un qui venait de mourir, et Horace reconnut