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Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/157

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appelé mes affaires ; ce soir-la, Booth s’essayait dans le rôle de Hamlet, et je vous prie de croire sur ma parole qu’il y fut mauvais, très mauvais, détestable. Il ne faut pas dire : tel père, tel fils. Le célèbre Junius Brutus Wilkes était un comédien fort distingué, aussi recommandable dans sa vie privée qu’applaudi pour son talent. John Wilkes Booth fut le fils très indigne d’un père que tout le monde admirait et estimait. Quoique enfant de la balle, il ne fit jamais au théâtre qu’une piètre figure ; il y avait débuté à dix-sept ans, et il donna d’abord quelques espérances ; mais quoi ! il était né médiocre, et il méprisait le travail. On assure qu’une affection des bronches l’obligea de prendre un congé, il est probable que le dégoût lui vint ; dans le fond, il se rendait justice, il se sentait médiocre, mais on l’aurait tué dix fois plutôt que de l’en faire convenir.

« C’est une race très dangereuse, monsieur, que celle des artistes sans talent ; ils s’en prennent à vous, à moi, et tôt ou tard nous le leur payerons. Booth était un vrai cabotin, il l’était jusque dans la moelle des os, cabotin partout, le jour, la nuit, en chambre et à la ville. Il ne quittait jamais les planches, il était toujours sur un tréteau, le monde était pour lui une salle de spectacle éclairée par