Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/168

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« Sera-ce long ? »

Mlle Perdrix me jeta un regard indigné :

« Plaignez-vous ! à minuit et tête à tête ! Ma foi, je connais des hommes qui vous envieraient votre malheur.

— Je suis un ingrat, lui dis-je. Allez, ma belle, ne vous gênez pas, commencez par le commencement, n’omettez aucun détail inutile, faites durer votre histoire jusqu’au matin ; mais, au lieu de la réciter, cette histoire, ne pourriez-vous pas la chanter, ou du moins l’accompagner de quelques trilles, de quelques roulades placées à propos ? Vous avez fait, assure-t-on, de prodigieux progrès dans les trilles, et il me tardait de vous en féliciter. »

Elle secoua la tête et les épaules.

« Mon histoire, répondit-elle, est une histoire très sérieuse, qui ne peut pas se chanter. Vous m’en direz des nouvelles quand j’aurai fini. »

Je me rencognai dans mon fauteuil, et je me résignai à mon destin. Mlle Perdrix fit une roulade, tout à la fois pour me donner une idée de ses progrès et pour s’éclaircir la voix. Puis elle me dit :

« Que pensez-vous, docteur, du Prince toqué ?

— Rien du tout, lui répondis-je, mais j’en penserai tout ce qu’il vous plaira.

— Pour une féerie, c’était, on peut le dire, une