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Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/169

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belle féerie, où je fis mes véritables débuts. Jusqu’alors, personne n’avait pris garde à moi. Le public est si bête ! il faut lui répéter dix fois les choses avant qu’il les comprenne : il m’avait vue bien souvent sans me voir, sans se douter que je n’étais pas la première venue. Il s’en aperçut quand je jouai dans le Prince toqué le rôle de la fée Mêlimêlo. Je n’avais pourtant qu’une scène, comme vous le savez, la troisième du cinquième tableau, et encore dans cette scène n’avais-je que deux mots à dire et deux couplets à chanter. Mais il faut convenir que le directeur avait bien fait les choses. J’avais une superbe robe de brocart étoilé d’or, dont la queue était portée en cérémonie par dix pages fagotés en papillons, une couronne en forme de croissant sur la tête, et dans ma main droite une baguette magique, avec laquelle je changeais le Prince toqué en navet. La princesse Luciole arrivait sur ces entrefaites, et, ne retrouvant plus son prince, elle me suppliait de le lui rendre. Je lui chantais mes deux couplets pour lui expliquer que son prince était poursuivi par des malandrins, que je l’avais changé en navet par pure charité et dans le dessein de lui sauver la vie. La princesse ne comprenait rien à rien, et, comme elle ne cessait de se lamenter, je finissais