Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/17

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toutes ses secrètes ambitions ; elle ne peut pas dire : Je suis arrivée, m’y voilà ! Mais elle est en bon chemin. Le papillon n’a pas dépouillé entièrement sa chrysalide ; il est patient ; quelque jour il déploiera ses ailes et sortira triomphant de son étui. Cependant Mme Corneuil reçoit ; elle donne à dîner ; elle a un salon. Une jolie femme, qui a une mère habile et un bon chef, n’a pas à craindre qu’on la laisse sécher dans la solitude. On trouvait autrefois chez elle beaucoup de gens de lettres, surtout de ceux qui appartiennent à la nouvelle école, à ce qu’on appelle le parti des jeunes. Grand bien leur fasse ! Il en est dans le nombre qui ont du talent et de l’avenir ; il en est d’autres dont on assure que leurs nouveautés ne sont pas neuves et que leur jeunesse sent un peu le rance ; mais ce ne sont pas mes affaires. Cela ne les empêche point d’avoir de bonnes dents, et on mange très bien chez Mme Corneuil. Elle ne se contentait pas de nourrir la littérature, elle en faisait elle-même, et elle employait les jeunes gens qui fréquentaient chez elle à écrire à sa louange de petits articles dans les petite journaux. Les estomacs reconnaissants sont d’excellentes trompettes, et au surplus elle est assez riche pour payer sa gloire.