Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/179

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le regardai plus, et, quand le céléripède arriva, ma baguette ne bougea pas dans mes doigts. Avant de sortir de scène, je me retournai ; son fauteuil était vide. — Allons, c’est fini, je ne le reverrai plus, pensai-je ; après tout, qu’est-ce que cela me fait ? — Je mentais, docteur, cela me faisait quelque chose.

— Et quand l’avez-vous revu ? lui demandai-je.

— Plus tôt que vous ne pensez ; mais je vous prie de croire que ce n’est pas moi qui ai couru après lui. Vous savez que je ne jouais pas dans les derniers tableaux ; il n’était pas onze heures quand je rentrai chez moi. J’étais agacée, nerveuse, oh ! mais, nerveuse !… Je fis une scène à Julie, ma vieille bonne, parce que j’avais attendu deux minutes sur le palier avant qu’elle vint m’ouvrir. Cette fille était une ahurie et, qui pis est, une sournoise ; depuis longtemps j’étais mécontente de son service. Je lui dis que je n’avais pas besoin d’elle, que je saurais bien me défaire toute seule, et je l’envoyai se coucher. Après qu’elle m’eut quittée, je fus quelques instants à rêver. Debout devant ma glace, je me demandais : Ai-je bien fait ? ai-je mal fait ?… Il me parut certain que j’avais bien fait. Pourtant je me disais : Si j’avais décrit un beau rond avec ma baguette, il serait ici, et je saurais enfin par quel mystère il ne tient qu’à moi de sauver