Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/189

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avec trois mille francs par mois, mettons-en quatre, sans compter les robes, bien entendu. Bref, il était content, ravi de son acquisition, et lui-même me plaisait chaque jour davantage. Il est aussi agréable pour une femme de gouverner à la baguette un homme qui lui a fait peur que de posséder un gros chien qui aboie aux passants et qu’elle pourrait battre comme plâtre sans qu’il découvrit seulement le bout de ses crocs.

« Je n’avais qu’un chagrin. Le bel Edwards était toujours pour moi l’inconnu ; impossible de savoir qui il était. Quand je le questionnais, tantôt il se retranchait dans un obstiné silence, tantôt il me faisait des contes à dormir debout. Un jour, il me donna sa parole d’honneur la plus sacrée qu’il était un prince persécuté par sa famille, qu’il avait résolu de vivre caché jusqu’à la mort de son père, qu’alors il revendiquerait ses droits et réclamerait sa couronne, qui pour le moment était en gage chez des juifs. Il me croyait plus oison que je ne suis. On m’a appris dès ma plus tendre enfance…

— Au couvent ? lui dis-je.

— Oui, au couvent… On m’a appris que tous les princes sont russes ou italiens, et que les juifs ne leur prêtent pas deux sous sur leur couronne. Une