Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/197

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tourmentait. Le bel Edwards avait pour sûr l’humeur quinteuse et une fêlure dans le cerveau, je le soupçonnais même d’être un peu somnambule ; en tout cas, il me semblait qu’il y avait du louche dans son affaire. Les boîtes à double fond ne m’ont jamais plu, j’aime à savoir ce que j’ai dans ma poche. Je gardai pour moi mes petites réflexions ; je n’en soufflai mot à ma mère. Elle aurait triomphé, et il est si désagréable de s’entendre dire : — Tu n’as pas voulu me croire, je t’avais prévenue, mais tu n’en fais jamais qu’à ta tête !

« Plusieurs jours se passèrent, et il ne parut pas. Je commençais à croire qu’il avait fait ses réflexions, lui aussi, et que c’était fini, que je ne le reverrais plus. Je me trompais. A quelques soirs de là, en revenant du théâtre, je le trouvai installé près de ma cheminée, où il avait fait grand feu. Il m’attendait avec une impatience fiévreuse, il était plus amoureux que jamais. Dès qu’il m’aperçut : — La voilà ! la voilà donc ! — Puis il s’accroupit à mes pieds, et il me déclara mille fois qu’il n’avait jamais rencontré de fille, de femme, de chatte ni aucune créature plus adorable que moi, ni sur la terre, ni dans la lune, ni dans aucune des planètes qu’il avait visitées. Il ne se lassait pas de me considérer ; il semblait que notre