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Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/211

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dans la vitrine d’un marchand de photographies. Je le reconnus sur-le-champ, et le cœur me battit. Ses yeux, son front, sa moustache, ses cheveux frisés, sa main passée dans l’échancrure de son gilet… C’était lui, vous dis-je, lui tout entier. Je me précipite comme un coup de vent dans le magasin, et je dis au marchand :

« — D’où avez-vous cette photographie ?

« Il me répond d’un air étonné :

« — Nous l’avons reçue tantôt de New-York.

« — C’est donc le portrait d’un homme célèbre ?

« — Très célèbre, mon enfant.

« Et il ajouta… M’écoutez-vous, docteur ?… Il ajouta :

« — C’est le portrait de John Wilkes Booth, l’assassin du président Lincoln. »

A ces mots, Mlle Perdrix, après m’avoir considéré fixement pour jouir de ma surprise, se leva et se mit à arpenter la chambre la tête haute, les joues enflammées, la narine frémissante. Ses pieds ne touchaient pas à la terre, on eût dit qu’elle allait s’envoler. Par intervalles, elle se retournait de mon côté, et, du haut de sa nuée, elle abaissait sur moi un regard superbe ; c’était une divinité contemplant un ciron. Je l’arrêtai au passage, je lui secouai énergiquement les deux bras, et je lui dis :