Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

finit toujours par arriver ; c’est une grâce du ciel.

« Voilà bien la France ! s’écria M. Drommel lorsqu’il entendit la voiture rouler sur le pavé de Barbison ! Deux heures pour faire dix kilomètres ! Et c’est ainsi qu’on perd les batailles. »

C’était une forte exagération. Quel que soit son goût pour l’exactitude, M. Drommel est un homme très passionné, et la passion exagère toujours.

M. Johannes Drommel jouit dans son pays d’une certaine réputation, dont il est fier. Peu lui importe que son mérite et son caractère soient discutés ; pourvu qu’on s’occupe de lui, il est content. Ce gros homme court n’a pas un visage ordinaire. M. Taconet, qui était assis en face de lui dans l’omnibus, ne put s’empêcher d’admirer l’ampleur de sa tête, sa grande bouche tortueuse, la longueur démesurée de ses bras, son nez conquérant, solennel, héroïque, toujours prêt à partir en guerre, un nez fait pour affronter les grandes batailles de la vie. Tant que M. Drommel garda le silence, M. Taconet l’admira ; mais, à peine eut-il articulé deux mots, adieu le prestige ! M. Drommel a deux voix, l’une grave, un peu rauque, l’autre perçante, aiguë ; il passe brusquement de l’une à l’autre, et ce contraste est plus plaisant qu’agréable. Il y a dans le monde de vieilles brouettes mal