Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/220

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graissées, qui ont aussi deux voix et la même façon de parler que M. Drommel, quand on les pousse un peu vivement sur le gravier. J’en connais une intimement ; mais, comme elle est modeste, elle est à mille lieues de s’imaginer que je ne puis l’entendre sans penser à un grand homme.

M. Drommel est né en Lusace, à Goerlitz, et, si vous consultez à son sujet les habitants de Goerlitz, ils vous diront que dans le fond c’est un bonhomme, qu’il n’a jamais fait de mal à personne, mais qu’il est difficile de trouver quelqu’un à qui il ait rendu service. Que voulez-vous ! il n’a pas le temps. Il est convaincu que le monde a été mal fait et que M. Johannes Drommel est chargé de le refaire ; c’est à cela qu’il emploie ses journées et ses veilles. On cite de lui un mot mémorable qui prouve que cette préoccupation lui vint dès sa plus tendre jeunesse. Il n’avait pas dix-huit ans, quand trois ou quatre de ses camarades, qui sortaient d’une brasserie, le rencontrèrent par une froide nuit d’hiver arpentant tout seul les rues de Goerlitz, les mains dans ses poches, les cheveux au vent. Ils lui demandèrent à qui il en avait. Il les contempla d’un air compatissant ; puis il leur répondit :

« Je cherche la synthèse ! »