Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/225

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le renvoya bien loin. Il est persévérant, il n’eut garde de se rebuter, et le destin lui vint en aide. Il arriva que la jolie et sage Ada se laissa un soir tomber dans une trappe, où elle se cassa la jambe. On la raccommoda ; mais il lui resta de cette mésaventure un léger clochement du pied droit, qui, au dire de ses admirateurs, ajoutait à ses grâces et qui toutefois la gênait beaucoup dans ses entrechats. Elle se ravisa subitement, prêta l’oreille aux propositions de M. Drommel ; mais elle entendait être épousée dans toutes les règles, civilement et à l’église. Il en passa par tout ce qu’elle voulut, tout en lui représentant qu’il est dur à un philosophe de faire le sacrifice de ses principes et de se conformer aux préjugés. Il le lui déclara fort nettement, et peut-être eut-il le tort de le lui déclarer trop souvent : les gens convaincus aiment à se répéter.

Il n’eut pas d’ailleurs à se repentir de son pénible sacrifice. Il trouva dans Mme Ada Drommel non seulement une ménagère accomplie, mais une femme exemplaire, qui témoignait une soumission touchante à ses volontés, un acquiescement absolu à ses idées, une parfaite déférence à ses conseils, une confiance entière en son génie. Lui-même s’applaudissait d’être l’unique et légitime possesseur d’une beauté que les connaisseurs lui enviaient