Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/238

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avait les deux bras empêchés, l’un par un grand plaid à carreaux, plié en quatre, que M. Drommel se proposait de mettre sous lui quand il s’assiérait dans l’herbe et sur lui quand le serein tomberait, l’autre par le panier aux provisions, destiné à parer à quelqu’une de ces crises violentes de l’estomac auxquelles les sociologues sont sujets.

Le plaid était gênant, le panier était terriblement lourd ; le sentier, qui serpentait parmi des blocs épais, était abrupt. Mme Drommel souriait. On sait qu’elle avait peine quelquefois à se faire obéir de sa jambe droite : il lui prenait des lassitudes, elle doutait de pouvoir aller jusqu’au bout ; mais elle rassemblait ses forces, elle ramassait son courage, et elle souriait. Le soleil l’incommodait beaucoup, elle pensait en soupirant à son parasol. Ses pieds mignons enfonçaient tour à tour dans un sable poudreux ou glissaient sur de perfides aiguilles de pins, et elle se disait que celui qui a inventé les voitures à huit ressorts était un homme de génie. Elle avait toujours eu peur des serpents ; il lui semblait à chaque instant qu’elle allait marcher sur une vipère, qui se redresserait en sifflant ; elle ne laissait pas de sourire. Par intervalles, s’arrêtant pour reprendre haleine, elle regardait derrière elle et croyait apercevoir dans l’épaisseur d’une futaie