Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/256

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rapins qui prenaient pension chez elle et qu’en considération de leur vareuse elle appelait ses bêtes à laine. Elle le choyait, elle était fière d’héberger sous son toit un garçon de grand avenir, un phénix, dont tout le monde parlait ; elle eût volontiers fait mettre sur son enseigne cette inscription : Ici demeure le petit Lestoc. Elle signifia donc à M. Drommel que personne ne déplierait sa serviette avant que le petit Lestoc ne fût là. Il protesta, s’emporta ; elle lui répondit que, s’il n’était pas content, il eût à chercher un gîte ailleurs. Elle était brusque, il était colère ; on eût fini par se prendre aux cheveux, si le prince de Malaserra ne fût intervenu. Il avait l’aménité, l’humeur facile des vrais grands seigneurs. Avec sa grâce enjouée, il concilia le différend, calma les esprits, amadoua M. Drommel. Il lui dit en riant :

« Mon cher monsieur, soyez philosophe comme moi. Quand les choses elles ne font pas ce que je veux, moi je tâche de faire ce qu’elles veulent. »

Sur ces entrefaites, M. Taconet et le petit Lestoc arrivèrent, et on dîna. Pour Mme Drommel, c’était de repos qu’elle avait surtout besoin ; elle s’était empressée de se mettre au lit.

Pendant le premier service, personne ne souffla mot ; on n’entendait que le bruit des couteaux,