Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/257

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des fourchettes et des mâchoires. Par intervalles, M. Taconet examinait du coin de l’œil le prince de Malaserra ; le prince observait à la dérobée le petit Lestoc, qui contemplait M. Drommel, lequel ne contemplait que son assiette. Cependant, lorsqu’il eut englouti la moitié d’une fricassée de poulet, lorsqu’il eut assouvi les fureurs de son estomac et qu’il sentit circuler dans toutes ses veines la douce chaleur d’un excellent vin de Bordeaux, sa mauvaise humeur se dissipa comme par enchantement, sa verve se réveilla, et il attendit impatiemment qu’on lui fournît une occasion de discourir, car il aimait à parler en mangeant et à joindre aux plaisirs de la bonne chère celui d’étonner son prochain.

Ce fut M. Taconet qui lui procura l’occasion qu’il cherchait, en rapportant et approuvant les termes d’un jugement qui venait d’être rendu contre un braconnier surpris en flagrant délit dans la forêt. Les narines de M. Drommel se dilatèrent ; il gonfla ses joues, posa ses deux coudes sur la table et s’écria :

« Voilà pourtant les beautés de notre civilisation !

— Que voulez-vous dire ? lui demanda M. Taconet, en le regardant de travers.