Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/262

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d’autrui ? Je croyais tout ce qu’elle me disait, et je le crois encore.

— Je ne doute pas un instant, répondit M. Drommel, que Mlle Dorothée ne fût une personne infiniment recommandable ; mais, mon cher enfant, elle n’était pas forte en dialectique. Autrement elle aurait su que la propriété n’est pas un droit primordial, que la propriété est une invention humaine, et qu’il nous est permis de la réformer en l’accommodant aux lois naturelles. »

Ici, le prince de Malaserra, qui n’avait rien dit jusqu’alors, poussa une exclamation douloureuse.

« Grand Dieu ! dit-il, vous me faites frémir ; la propriété, mon cher ami, elle est mon idole, et vous voulez la détruire ! Vous êtes un puissant logicien, le plus puissant qu’il y ait dans tout l’univers, je m’en suis déjà aperçu dans la calèche ; mais il est écrit dans la Divine Comédie que le diable aussi il est logicien. Je vous demande pardon, mon cher ami, de vous comparer au diable. Mais je frémis, oui, je frémis. »

M. Drommel se sentit fort flatté que le prince l’eût appelé deux fois son ami par-devant témoin, il en rougit de plaisir. Le regardant avec les yeux tendres d’une colombe qui roucoule :

« Oh ! mon prince, que Votre Grâce me pardonne,