Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/261

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— Vraiment je vous scandalise, mon jeune ami ? répondit d’un ton d’indulgence M. Drommel, car il aimait les gens qui se scandalisaient sans se fâcher, c’étaient ses auditeurs préférés.

— Que voulez-vous ? c’est la faute de mon éducation. Je suis né dans la Brie, à Périgny, au milieu du village, en face du charron, dans la maison du grand poirier. Connaissez-vous Périgny ? connaissez-vous le charron ? connaissez-vous le grand poirier ?… Non, et vous n’avez pas connu non plus ma tante Dorothée, qui m’a élevé, comme vous savez. C’était une demoiselle bien respectable, qui avait des principes et trois grands poils sous le menton. Elle pesait deux cents livres, tout compris, les trois poils et les principes.

— Deux cent cinquante, murmura M. Taconet.

— Deux cents, monsieur, reprit-il d’un ton pincé, et quand je dis deux cents, c’est deux cents. Or ma tante Dorothée, qui avait l’esprit bizarre, n’aimait pas les voleurs, et elle n’aurait jamais souffert qu’on en mît dans le gouvernement. Quand il y en avait, elle admettait bien qu’on les y laissât ; mais qu’on les y mît tout exprès, non, cela ne pouvait lui convenir. Ajouterai-je qu’elle m’a inculqué dès mon bas âge le respect du bien