Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/275

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Visiblement soulagé par le départ de cet homme sans formes, il sonna et se fit donner une bouteille de vin d’Aï, dont il entendait régaler son illustre ami. On apporta trois coupes ; mais le petit Lestoc déclara que l’école du plein air ne buvait jamais de vin d’Aï, et il sortit, laissant le prince de Malaserra fêter tête à tête avec M. Drommel la bonne fortune qui lui avait fait rencontrer sur une grande route un des plus célèbres penseurs de notre temps, dont il admirait passionnément la logique, tout en désapprouvant énergiquement ses principes.

L’entretien devint plus intime, le vin d’Aï dispose les cœurs à l’expansion. Le prince de Malaserra adressa à M. Drommel une foule de questions marquées au coin du plus sympathique intérêt. Il fut charmé d’apprendre que notre sociologue se proposait de faire un séjour en Italie ; il l’engagea à pousser jusqu’en Sicile, il mit à son entière disposition l’un de ses deux palais, le pressa de venir passer un mois à Malaserra, où il comptait retourner avant peu et dont il lui détailla toutes les beautés, depuis le cèdre jusqu’à l’hysope. M. Drommel accepta cette proposition avec enchantement ; plus il pénétrait dans la précieuse intimité du prince de Malaserra, plus il sentait que sa vraie vocation était de vivre avec les princes.