Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/276

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Cet entretien savoureux fut interrompu plus d’une fois par l’indiscrète Mme Picaud. Cette brave femme a tant d’excellentes qualités qu’on peut, sans lui faire tort, signaler ses défauts. Elle n’éprouve qu’un respect modéré pour les grands de la terre et pour les hommes célèbres, même pour ceux qui boivent du vin d’Aï. On l’accuse aussi de traiter cavalièrement ceux de ses pensionnaires dont la physionomie ne lui revient pas, en quoi elle manque au plus sacré devoir de sa profession, qui est de ne jamais faire acception des personnes. Dis-moi ce que tu consommes, et je te dirai qui tu es, tel est l’adage du parfait aubergiste. A plusieurs reprises, Mme Picaud pénétra brusquement dans la salle à manger, espérant la trouver vide, et elle referma la porte à grand bruit, avec un geste d’impatience. On ne pouvait dire plus clairement : Allez-vous-en.

M. Drommel ne put se tenir de confesser au prince que la figure de Mme Picaud lui paraissait aussi rébarbative que celle de M. Taconet, et il s’informa d’un ton de mystère et d’inquiétude si les auberges de Barbison passaient pour des maisons honnêtes. Le prince en inféra que M. Drommel avait emporté dans son bagage toute une collection de rubis balais. Quand il sut qu’il s’agissait