Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/291

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Malaserra il me déplaît quelquefois, et vous verrez pourtant comme il est beau, Malaserra. »

A ces mots, le prince porta son mouchoir à ses yeux, et M. Drommel lui-même crut devoir par bienséance verser quelques larmes sur la déplorable escapade de la princesse.

« Dites-moi la franche vérité, mon ami, reprit le prince, n’avez-vous jamais été jaloux ? La princesse de Malaserra elle m’a fait mourir de jalousie. »

M. Drommel éclata de rire, tant la question lui sembla baroque.

« Prince, répondit-il, Mme Drommel est d’un pays où les femmes savent aimer, parce qu’elles ont de l’âme, du Gemüth.

— Le Gemüth ! Qu’est-ce donc cela ?

— Impossible de vous le faire comprendre, cela ne peut se traduire ni en italien ni en français. Qu’il vous suffise de savoir qu’une femme qui a du Gemüth n’aime qu’une fois et ne se sauvera jamais avec l’autre.

— Même quand il ne serait pas camus ?

— Une femme qui a du Gemüth, répliqua solennellement M. Drommel, méprise de tout son cœur ce qu’on appelle dans ce pays-ci la bagatelle, et pour les femmes de ce pays-ci, la bagatelle est tout. »