Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/307

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je donnerais mon corps et mon sang pour le résoudre, pour le posséder, pour qu’il soit à moi tout entier, et vive Dieu ! j’en viendrai à bout dès ce soir, ou que le diable emporte mon âme et l’école du plein air !… ce qui ne m’empêchera pas, messieurs, d’arriver avant vous à Franchard. »

Cela dit, il quitta la salle en courant.

« Ma parole d’honneur ! il est devenu fou, dit M. Drommel à sa femme.

— Sa folie ne me déplaît pas, » répondit-elle d’un ton bref, car depuis un moment elle avait le souffle un peu court.

Il était onze heures et demie quand M. Drommel et le prince de Malaserra quittèrent la grande avenue de Barbison pour s’engager dans la cavalière de la Mare du Revoir, qui conduit aux gorges d’Apremont en grimpant et serpentant au travers d’un éboulis. La lune, qu’on avait priée à cette petite fête, s’était piquée de faire honneur à la parole d’un prince. Elle avait revêtu tous ses atours, elle était charmante, elle était coquette ; on eût dit une lune toute fraîche, fabriquée pour la circonstance. Elle se plaisait à argenter le sable fin des sentiers, elle semait à profusion ses diamants sur les blocs de grès. Deux nuages noirs laissaient entre eux un intervalle d’un bleu sombre où elle