Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/308

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voguait mollement, ils cherchaient à l’arrêter au passage, et tout à coup elle disparaissait, comme mangée par la nuit. L’instant d’après, elle recommençait à répandre dans la forêt ses mystérieuses blancheurs, son pâle sourire, la douceur de ses longs silences, que Virgile a chantés.

Quand les deux piétons eurent atteint la crête de la colline, le prince s’arrêta, et montrant de la main à M. Drommel l’océan de verdure qui se déroulait devant eux :

« Eh bien, mon ami, lui dit-il, ne trouvez-vous pas cela fort beau, et ne frémissez-vous pas ?

— Prince, je ne frémis jamais, repartit M. Drommel. Cela n’est pas dans mes moyens. »

Et il redressa brusquement sa puissante nuque, appliqua ses poings sur ses hanches. Il avait l’air de jeter le gant à la forêt, il la mettait au défi d’émouvoir M. Drommel.

« Comment donc êtes-vous fait, mon ami ? Votre cœur il est de chêne, il est de bronze… Moi je trouve cela tout à fait romantique. Ah ! le romantisme il est un certain vague dans l’âme.

— Le romantisme est un poison qui engourdit le sang, qui amollit les cervelles, qui énerve les volontés, répliqua M. Drommel de sa voix aiguë, dont l’intonation gouailleuse était tempérée par