Aller au contenu

Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le respect qu’on doit aux princes. Nous en sommes bien revenus, nous autres Allemands. De sottes gens prétendaient jadis que les Français avaient pris la terre, les Anglais la mer, et qu’il n’était resté pour tout potage aux Allemands que le bleu du ciel. Aujourd’hui la terre est à nous, un jour nous aurons la mer, et nous laisserons le bleu à qui voudra. Des âmes fortes et rusées dans des corps d’acier, voilà ce qui convient aux maîtres du monde. Nous possédons la force, nous avons César, la ruse nous vient, et déjà Rome se sent revivre en nous. »

Ainsi s’exprimait M. Drommel, saisi d’un noble transport, et il appuyait sa pensée en frappant la terre du pied. Ses deux bras étendus, qui semblaient s’allonger jusqu’à perte de vue, menaçaient à la fois le Sénégal et la Chine.

« Je vous laisse la force, mon ami, répondit le prince, et la ruse, ô pauvre moi ! elle n’est pas mon affaire… Mais la rêverie elle a toujours été la compagne de mon cœur.

— Défiez-vous du vague dans l’âme, prince, lui cria M. Drommel ; il est cause que vous vous trompez de chemin. »

En effet, le prince, s’étant remis en marche, venait d’enfiler un sentier mal tracé, qui aboutit