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Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/323

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leurs yeux mornes et séculaires. La lune elle-même le contemplait d’un œil blême, ironique, narquois. Il y avait derrière elle une petite étoile très brillante, qui lui servait de page ; cette étoile était en joie et dansait, tant le cas lui paraissait plaisant. M. Drommel s’indigna de l’insolente et maligne curiosité qu’osaient témoigner ces rochers latins et cette lune velche. Il sentit que l’inviolable majesté de la sociologie allemande était insultée en sa personne ; il pensa aux canons Krupp, et il appela à son secours le grand empire germanique et son omnipotent chancelier. Malheureusement, l’empire germanique était occupé ailleurs. Il sifflait un air de chasse et se disposait à lancer ses chiens sur quelque chose ou sur quelqu’un ; il aiguisait son œil pour savoir ce qui se préparait à Saint-Pétersbourg, il prêtait l’oreille pour savoir ce qui se disait à Vienne. Bref, M. Drommel eut beau implorer son assistance, l’empire germanique ne bougea point, et les canons Krupp n’eurent garde de se déranger.

Les souffrances physiques font quelquefois une diversion utile aux douleurs morales. A vrai dire, M. Drommel ne souffrait pas précisément du froid. Il se trouvait par bonheur que cette nuit d’octobre était presque tiède ; au surplus, il était bien vêtu,