Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sans compter qu’il n’est rien de tel qu’une grande colère pour vous tenir chaud. Mais l’attitude contrainte et immobile à laquelle il était condamné gênait singulièrement la circulation de son sang ; il éprouvait des fourmillements insupportables, et ses deux clavicules lui faisaient mal. Une pénible langueur s’empara de lui. Il n’était plus maître de ses idées et se sentait défaillir. Il lui semblait que sa cervelle s’était vidée, que les sublimes théories dont son orgueil était amoureux venaient de s’envoler comme une fumée, de se dissiper comme un nuage. Il ne trouvait plus dans sa royale tête que certaines maximes très sottes, très vulgaires, très rebattues, fort triviales, qu’on peut ramasser à tous les coins de rue, et pour lesquelles il professait jadis un souverain mépris. Apparemment M. Taconet avait eu raison d’avancer que le lieu commun est le fond de la vie, puisque M. Drommel employait son temps à méditer sur des aphorismes tels que ceux-ci :

« L’homme n’est vraiment libre que lorsqu’il peut disposer de ses bras et de ses jambes.

« Si mes jambes étaient libres, je m’en servirais pour courir après ma sacoche et ma femme, et si je pouvais disposer de mes bras, j’en ferais usage pour étrangler mon voleur.