Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/56

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homme qui n’était pas digne de toucher du doigt le bas de sa robe ! Et pourtant elle lui a tout pardonné. Si vous saviez avec quelle tendre sollicitude elle l’a soigné dans ses derniers moments !

— Mais il me semble, mon bel ami, qu’elle a été récompensée de ses peines, puisqu’il lui a laissé sa fortune.

— Et à qui donc l’aurait-il laissée ? N’avait-il pas beaucoup à réparer ? Non, jamais femme n’a tant souffert et ne fut plus digne d’être heureuse. Une seule chose l’aidait à supporter le dur fardeau de ses chagrins. Elle était intimement persuadée qu’un jour elle rencontrerait un homme capable de la comprendre et dont l’âme serait à la mesure de la sienne. — Oui, me disait-elle l’autre soir, je croyais en lui, j’étais sûre qu’il existait, et la première fois que je vous ai vu, il m’a semblé que je vous reconnaissais et je me suis dit : Ne serait-ce pas lui ?… Mon oncle, lui et moi, nous sommes le même homme, et ce sera la gloire de ma vie. Elle m’aime, vous dis-je, elle m’aime, vous n’y changerez rien, et brisons là, s’il vous plaît. »

Le marquis passa deux fois ses mains dans ses cheveux blancs et s’écria :

« Je te déclare, Horace, que tu es le plus candide des ingénus et le plus naïf des amoureux.