Page:Cherbuliez - Amours fragiles, 1906.djvu/99

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ont contemplé vos fiançailles, et c’est pourquoi ton amour t’est cher. Pur mirage du désert que cet amour ! Supprime l’Égypte, supprime Ti, et souffle sur le reste, il ne reste rien.

— Si c’est là votre seule objection…

— J’en ai une autre. Tu n’es pas de son âge.

— Elle a dix-sept mois deux semaines et trois jours de plus que moi. Est-ce la peine d’en parler ?

— Je veux croire que ton compte est juste ; je connais ta rigoureuse exactitude en toute espèce de calculs. Mais cette femme a l’esprit mûr, et tu n’es et ne seras toute ta vie qu’un enfant. C’est bien de toi qu’on pourra dire comme de l’évêque d’Avranches : « Quand donc monseigneur aura-t-il fini ses études ? » Si tu étais dans les affaires, dans la diplomatie, dans la politique, je te dirais : « Épouse ce phénix, tu es sûr de ton avenir. » Mais ce perpétuel étudiant épouser une Mme Corneuil, là, c’est absurde. Tu te flattes de lui communiquer tes goûts et tes fureurs, qui ne lui inspirent qu’une indulgente pitié. Quand tu lui parles de Manéthon, tu l’assommes ; mais comme elle a tous les talents, elle a celui de dormir sans qu’on s’en aperçoive.

— Est-ce tout, mon cher oncle ?

— Mon doux ami, je te fais grâce du reste.