Page:Cherbuliez - Le comte Kostia (7e édition).djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
88
LE COMTE KOSTIA

semaines, il se contraignait davantage en ma présence, aujourd'hui j'ai l'honneur de posséder sa confiance, et il ne se croit plus obligé de me cacher son visage. Aussi ne cherche-t-il plus à me donner le change, c'est toujours cela de gagné. Je me flatte même qu'il a pour moi toute la bienveillance dont il est capable. Il estime mon savoir, il me sait gré de lui être utile et même nécessaire sans faire valoir mes services. D'ailleurs il attribue peut-être la discrétion intéressée d'un pauvre diable qui désire conserver son gagne-pain, et qui se sent tenu à beaucoup de réserve dans ses propos et dans ses actions. Bref, il me considère comme un homme de bons sens qui a les vertus de son métier, et bien qu'il me reproche quelquefois ce qu'il appelle mes visions métaphysiques, il m'estime trop pour supposer qu'elles puissent exercer aucune influence sur ma conduite. L'abstraction prise pour règle de la vie, voilà bien décidément sa bête noire, « monstre hideux, dit-il, véritable dragon de l'Apocalypse, dont les deux petits, difformes et repoussants comme leur mère, sont la chevalerie et la révolution. »

« O mes chères marionnettes, vous ne devez être qu'un spectacle pour mes yeux et un désennui passager pour mon esprit ! Gardez-vous de quitter la scène où vous paradez avec tant de grâce ! Les quinquets de la rampe marquent les frontières de votre empire. Ne vous avisez pas de les enjamber pour descendre parmi les vivants ! O mes chères poupées, la représentation finie, rentrez dans vos boîtes, entrelacez fraternellement vos fils d'archal, fermez vos beaux yeux, mes filles, et dormez votre som-