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Page:Cherbuliez - Le comte Kostia (7e édition).djvu/101

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LE COMTE KOSTIA

meil… Mais qu'entends-je? ces poupées parlent ou chantent en dormant ; de leurs boites bien closes sortent de légers chuchotements et comme une musique secrète, enivrante, je ne sais quel écho des concerts célestes. Gilbert, Gilbert, défie-toi! tes marionnettes ne sont pas aussi inoffensives que veut bien le croire le comte Kostia.

« Gilbert, défie-toi aussi de tes yeux ! Ils sont trop parlants. C'est singulier, je me croyais tout à fait maître de mes regards. Malgré moi, ils marquent dans l'occasion trop de curiosité. L'autre jour, pendant que je travaillais avec lui dans son cabinet, il a pris tout à coup un air distrait et rêveur, son front s'est chargé de nuages; il ne me voyait plus, ne m'entendait plus. Quand il est sorti de sa rêverie, ses yeux ont rencontré les miens attachés sur son visage, et il a trouvé que je l'observais trop attentivement.

« Ah ça ! m'a-t-il dit brusquement, vous vous rappelez nos conventions : nous sommes deux égoïstes qui avons fait marché ensemble. Les égoïstes ne sont pas curieux ; la seule chose qui les intéresse dans l'âme du prochain, c'est le domaine utile. »

« Et puis, craignant de m'avoir offensé, il a repris d'un ton plus doux : »

« Je suis l'âme la moins intéressante à connaître. J'ai les nerfs très-irritables; dites-vous une fois pour toutes que c'est le secret de tous les désordres que vous pourrez observer dans ma triste machine. »

« Non, comte Kostia, ce n'est pas là votre secret! étais-je tenté de lui répondre. Ce ne sont pas vos