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LE COMTE KOSTIA

est charmant. Il est si discret… ce n’est pas comme tel et tel… » tous les indiscrets qu’ils citaient étaient placés.

Les difficultés de sa vie avaient rendu Gilbert sérieux et réfléchi, elles n’avaient ni resserré son cœur, ni éteint son imagination. Il était trop sage pour se révolter contre sa destinée, mais il était décidé à lui demeurer supérieur.

«Tu es ce que tu peux, lui disait-il ; mais ne te flatte pas que je te prenne jamais pour la mesure de mes pensées. »

C’était une âme singulière que ce Gilbert. Quand il avait essuyé quelque dégoût, quelque déboire, quand il s’était vu frustré dans quelque chère espérance, quand une porte entr’ouverte s’était brusquement refermée devant lui, il lassait là pour quelques heures ses occupations habituelles, il s’en allait herboriser dans les environs de Paris, et c’en était assez pour lui faire tout oublier.

Après avoir lu la lettre de M. Lemimoi, le docteur Lerins se rendit auprès de Gilbert : il lui peignit le comte Kostia tel que ses souvenirs un peu lointains le lui représentaient, il l’engagea même, avant de prendre un parti, à peser murement le pour et le contre ; mais, dès qu’il eût quitté son jeune ami :

« Après tout, J’espère qu’il refusera, se dit-il ; ce serait une trop bonne aubaine pour ce boyard ! De sa figure très-moscovite, je ne vois plus qu’une énormes paire de sourcils, les plus touffus, les plus altiers qui furent jamais, et peut-être est-ce là tout. Il y a de ces hommes qui sont tout en sourcils ! Quel contraste avec notre cher Gilbert ! Ce mélange de force et de douceur qui parait en lui, cette noble