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LE COMTE KOSTIA

ment, il contemplait les peintures apocalyptiques de la voûte; on eût dit qu'il y retrouvait l'expression symbolique de ses pensés; ses yeux finirent par s'attacher sur une tête de dragon fort dégradée par le temps et qui n'en était que plus hideuse; il semblait adresser à ce monstre un interrogatoire; apparamment il lui demandait le secret de sa destinée. Son immobilité de statue et la fixité de son regard donnèrent le frisson au pauvre Gilbert : il détourna ses yeux de ce jeune front couronné d'une mystérieuse tristesse, et les reporta sur le prêtre; mais l'air de résignation béate du père Alexis lui parut aussi mélancolique que les sombres ennuis de Stéphane. Une tristesse profonde envahit son cœur. Rien autour de lui qui commandât ses sympathies, rien qui pro- mît société à son âme : à sa gauche la figure rébarbative d'un tyran assoupi que le sommeil rendait plus sinistre encore; en face de lui, un jeune misanthrope perdu pour le moment dans les espaces; à sa droite, un vieil épicurien qui se consolait de tout en mangeant des figues; au-dessus de sa tête, les dragons de l'Apocalypse. Et puis cette grande salle voûtée, était froide, sépulcrale ; on y respirait un air de cave ; les enfoncements et les encoignures étaient noyés dans une ombre épaisse ; les boiseries noires qui tapissaient les murailles avaient un aspect lugubre. Au dehors on entendait des bruits effrayants; un vent d'orage s'était levé et poussait de longs mugissements de taureau blessé, auxquels répondaient le grincement des girouettes et le cri funèbre des hibous.

Tout à coup il lui vint à l'idée que le comte n'était pas réellement endormi, et que ce subit as-