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PLACE D’ARMES

sation, le théâtre affublait Brutus et César de la perruque monumentale de Louis XIV.

À huit pieds, une balustrade en fer doré, entourée de bancs, formait une enceinte. Cette composition, qui n’était pas sans mérite, — et sur laquelle le marbre noir étalait en latin et en français les pompeux éloges que le héros du jour méritait sans doute… alors, — fut détruite un peu plus d’un siècle après. Le vent de la faveur populaire avait tourné.

On vit, du reste, à cette époque, d’étranges choses. Tel était le vertige, que, souvent, les mêmes bras qui naguère entassaient pierres sur pierres en l’honneur de la royauté, tenaient à ne plus laisser sur le sol français un seul grain de sable qui pût attester l’existence de cette idole de la veille, brisée le lendemain.

Le 16 août 1792, un de messieurs du Conseil général de la commune fit la motion de « descendre ce Louis XIV, dont l’attitude fière et menaçante osait « encore insulter ceux que son féroce orgueil avait fait trop longtemps gémir… » Le surlendemain 18, la statue avait été descendue et détruite, et l’on vendait pour 25 livres les pierres du piédestal.

Il ne reste plus rien aujourd’hui de l’œuvre de Girouard, sinon la tête de la statue, déposée au musée des antiquités de l’Ouest, où vous la verrez, ainsi qu’une partie du modèle en terre qui servit sans doute au statuaire, et que l’on a retrouvée plus tard dans les déblais de la caserne de cavalerie de Montierneuf.

Malgré la destruction du monument perpétuel de la place Royale de Poitiers en 1792, l’Ermite en province, de M. de Jouy, l’y voyait encore en 1824 ! Nous citons ce tour de force de vue rétrospective, afin de rappeler une fois de plus, et en passant, comment, trop souvent, on écrit l’histoire. Si les appréciations politiques et religieuses de l’Ermite étaient aussi vraies que ses récits, qu’a-t-il pu faire de ceux de ses lecteurs qui l’ont cru sur parole ? On le sait !

« Sur la place qu’occupait autrefois l’image d’un roi qui restera grand quand « même, s’élève aujourd’hui