Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/104

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— Slave pathétique, dit le Président, fils tragique de la Pologne, êtes-vous disposé à prétendre, maintenant et devant cette carte, qu’en notre société vous n’êtes pas… comment dirai-je… de trop ?

Chacun fut surpris d’entendre une voix claire, commerciale pour ainsi dire et presque faubourienne, sortir de cette forêt de cheveux exotiques. C’était tout aussi paradoxal que si, tout à coup, un Chinois eût parlé anglais avec l’accent écossais.

— Je pense que vous vous rendez compte de votre position, continua Dimanche.

Tu parles ! répliqua le Polonais. Mais croyez-vous qu’un vrai Polonais aurait su être aussi Polonais que moi ?

— Je vous accorde ce point. Votre accent d’ailleurs est inimitable ; pourtant, je m’y essaierai en prenant mon bain. Voyez-vous quelque inconvénient à laisser ici votre barbe avec votre carte ?

— Pas le moins du monde !

Et, d’un coup, Gogol arracha tout son masque barbu et chevelu, d’où émergea une figure pâle et effrontée, au poil blond.

— C’était bien chaud, ajouta-t-il.

— Je vous rendrai justice en disant que vous avez su, sous ce masque si chaud, garder votre sang-froid, fit Dimanche, avec une sorte d’admiration brutale. Écoutez-moi ; vous me plaisez. Il me serait donc désagréable, pendant au moins deux minutes et demie, d’apprendre que vous avez succombé aux tourments. Eh bien ! si vous