Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tapissées étouffait tous les bruits. Quelque part, toutefois, derrière Red Lion Court il avait remarqué en passant qu’un citoyen énergique avait balayé la neige sur l’espace d’une vingtaine de mètres ; là le gravier apparaissait, humide et luisant. Il n’en avait pas tenu grand compte d’abord. Et il allait reprendre sa course, quand son cœur cessa de battre : il entendait résonner, dans cet endroit déblayé, la béquille de l’infernal perclus.

Le ciel, couvert de nuages, versait sur Londres un crépuscule dense, insolite à cette heure peu avancée de l’après-midi. À la droite et à la gauche de Syme, les murs de l’allée étaient unis et sans caractère ; pas une fenêtre, rien qui fît penser à un œil. Il éprouva de nouveau le besoin de gagner les rues larges et éclairées, de sortir de ce dédale de maisons tristes. Mais il erra longtemps encore en tous sens avant de gagner la grande artère, et, quand il y parvint, il se trouva beaucoup plus loin qu’il n’aurait pensé, dans la vaste solitude de Ludgate-Circus. Il aperçut la cathédrale de Saint-Paul assise en plein ciel.

Il fut d’abord étonné de la solitude de ces grandes voies. C’était comme si la peste eût décimé la population. Puis, il réfléchit que la tempête de neige était un danger. Enfin il se rappela que c’était dimanche. En prononçant tout bas ce mot, il se mordit la lèvre. Dimanche ! Ces syllabes comportaient désormais pour lui un jeu de mots sacrilège.