Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/112

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épaules tremblantes du vieux professeur de Worms. Il s’avança à tout petits pas, se laissa tomber sur la banquette en poussant de légers soupirs et s’enveloppa lentement dans les plis de la bâche de laine. Chaque mouvement de ce corps branlant, le moindre de ses gestes démontrait jusqu’à la parfaite évidence la débilité sans remède, la totale impuissance de cet organisme usé. Et pourtant, à moins d’admettre que les entités philosophiques appelées espace et temps fussent dépourvues de toute réalité, il était infiniment probable que ce vieillard avait dû courir après l’omnibus.

Syme se dressa de toute sa hauteur et, jetant un regard affolé sur ce ciel d’hiver, qui d’instant en instant devenait plus sombre, se laissa glisser, plutôt qu’il ne descendit, le long de l’escalier. Il avait dû réprimer un mouvement impulsif qu’il avait eu de se jeter en bas, du haut de l’impériale.

Sans regarder en arrière, sans réfléchir, il s’engagea à l’aveuglette, comme un lièvre dans un trou, dans l’une des petites cours qui avoisinent Fleet Street. Il avait vaguement l’idée de dépister le vieux diable en se perdant lui-même dans ce labyrinthe de ruelles étroites. Il se plongea donc dans ces ruelles qui semblaient des culs-de-sac plutôt que des passages, et après avoir tourné une vingtaine de coins et décrit quelque inimaginable polygone, au bout de quelques minutes, il s’arrêta, prêtant l’oreille. Aucun bruit de pas. Du reste, la couche épaisse de neige dont ces ruelles étaient