Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/118

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Et Syme cherchait comment il pourrait bien entamer la conversation avec le vieux professeur, quand celui-ci lui adressa la parole. Sans le moindre préambule, avant que Syme eût formulé la question diplomatique qu’il venait enfin de trouver :

— Êtes-vous un policeman ? lui demanda le vieil anarchiste.

Si prêt à tout que fût Syme, il ne pouvait s’attendre à une telle question, si directe, si brutale. Malgré toute sa présence d’esprit, il ne trouva sur le moment rien de mieux que de répéter, en éclatant de rire, d’un rire forcé :

— Un policeman ! Un policeman !

Et il continuait de rire. Puis il reprit :

— Qu’y a-t-il donc en moi qui vous fasse penser à un policeman ?

— C’est très simple, dit le professeur, avec insistance, vous avez l’air d’un policeman. Je l’ai vu tout de suite et je le vois encore.

— Aurais-je pris par erreur, en quittant le restaurant, le chapeau d’un policeman ? Porté-je quelque part sur moi un numéro ? Mes chaussures ont-elles cette physionomie vigilante qui caractérise celles de policiers ? Pourquoi serais-je un policeman ? Pourquoi ne serais-je pas plutôt un facteur ?

Le vieux professeur branlait la tête avec une gravité désespérante. Syme reprit, sur un ton d’ironie fébrile :