Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/121

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dans un club de dynamiteurs, et je pense que mon devoir est de vous arrêter.

Et il déposa sur la table l’exact fac-similé de la carte bleue que Syme portait dans la poche de son gilet.

Syme eut, un instant, l’impression que l’univers avait fait un demi-tour sur lui-même, que les arbres poussaient vers le sol et qu’il avait les étoiles sous ses pieds. Puis, peu à peu, il revint à la conviction contraire : pendant les dernières vingt-quatre heures l’univers était retourné sens dessus dessous, et c’était maintenant, tout à coup, qu’il reprenait son équilibre. Ce diable qu’il avait fui des heures durant, voilà que c’était un frère aîné ! Et il considérait avec stupeur ce bon diable qui, lui-même, le considérait en riant.

Il ne fit aucune question. Il ne s’enquit d’aucun détail. Il se contenta du fait indéniable et heureux que cette ombre tant redoutée était devenue bienfaisante. Et il constata avec plaisir qu’il était lui-même un sot et un homme libre. On a toujours, dans toutes les convalescences, ce sentiment de saine humiliation. Dans ces crises, il vient un moment où il faut choisir entre trois choses : ou bien on s’obstine dans un orgueil satanique, ou bien on pleure, ou bien on rit. L’égotisme de Syme fit qu’il s’arrêta d’abord au premier parti, puis, sans transition, il adopta le troisième. Tirant de la poche de son gilet sa propre carte bleue, il la jeta, lui aussi, sur la table, puis il leva la tête de