Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/125

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Syme, d’abord, resta muet. Mais, se dressant soudain de toute sa hauteur, comme un homme insulté, il repoussa violemment sa chaise :

— Vous avez raison, commença-t-il d’une voix que rien ne peut rendre, j’ai peur de lui. C’est pourquoi je jure devant Dieu que je chercherai cet homme et que je le frapperai sur la bouche. Quand le ciel serait son trône et la terre son tabouret, je jure que je l’en arracherai.

— Comment ? demanda le professeur, et pourquoi ?

— Précisément parce que j’ai peur de lui. On ne doit pas laisser vivre un être dont on a peur.

Le professeur de Worms lorgna Syme et fit un effort pour parler. Mais Syme reprit aussitôt, à voix basse mais avec une exaltation continue :

— Qui donc condescendrait à frapper seulement les êtres dont il n’a pas peur ? Qui donc voudrait être brave à la façon d’un lutteur forain ! Qui donc voudrait ignorer la peur, comme un arbre ? Il faut lutter contre ceux que l’on craint. Vous souvient-il de cette vieille histoire d’un clergyman anglais qui administrait les derniers sacrements à un brigand sicilien ? Le grand détrousseur, à son lit de mort, dit au ministre : « Je n’ai pas d’argent à vous donner, mais voici un avis qui pourra toujours vous être utile : Le pouce sur la lame, et frappez de bas en haut ! » L’avis est bon, en effet : frappez de bas en haut, si vous voulez atteindre les étoiles !