Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/127

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décrochant son chapeau de la patère.

Syme le considérait, immobile à force d’être fébrile.

— Que voulez-vous dire ? M’accompagnerez-vous ? Partagerez-vous les risques avec moi ?

— Jeune homme, répondit le professeur avec gaîté, je vois que vous me prenez pour un lâche, et cela m’amuse. Je ne vous dirai qu’un mot, un mot tout à fait dans le goût de votre rhétorique philosophique : vous croyez qu’il est possible d’abattre le Président ; je sais que c’est impossible, et je vais essayer de le faire.

Il ouvrit la porte de la taverne. Une bouffée d’air marin pénétra dans la salle.

Les deux détectives prirent l’une des rues sombres qui avoisinent les docks.

La neige fondue s’était changée en boue. Par places, dans le crépuscule, par petits tas, elle faisait des taches grises plutôt que blanches. Dans des flaques d’eau se réfléchissaient irrégulièrement les lumières des réverbères, comme des clartés émanées d’un autre monde. Syme éprouva une sorte d’étourdissement en pénétrant dans cette confusion de lumières et d’arbres. Mais son compagnon se dirigeait, d’un pas assez rapide, vers l’extrémité de la rue, où le fleuve, illuminé par les lampes, faisait comme une boue de flamme.

— Où allons-nous ? demanda Syme.

— Nous allons tourner le coin et voir si le docteur Bull est déjà couché. Il se couche tôt. Il a un grand respect pour les lois de l’hygiène.