Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/128

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— Le docteur habite ici ?

— Non. Il habite assez loin, de l’autre côté du fleuve. Mais, d’ici, nous pourrons voir s’il est couché.

Tout en parlant, ils atteignirent l’endroit que désignait le professeur. Celui-ci, de sa canne, montra, par-delà la nappe tachée de lumière, la rive opposée. C’était cette masse de hautes maisons, pointillées de fenêtres éclairées, qu’on voit, du côté de Surrey, s’élever, comme des cheminées d’usine, à des hauteurs insensées. En particulier, un corps de bâtiment semblait une Tour de Babel aux cent yeux. Syme n’avait jamais vu les skyscrapers américains ; aussi ne songea-t-il, devant ce gigantesque bâtiment, qu’aux tours dont il avait rêvé.

Juste en cet instant, la lumière la plus haute de cette tour aux innombrables yeux s’éteignit brusquement, comme si ce noir Argus avait cligné de l’une de ses paupières.

Le professeur de Worms pirouetta sur son talon et frappa sa botte de sa canne :

— Nous arrivons trop tard ; le prudent docteur est couché.

— Qu’est-ce à dire ? demanda Syme. Est-ce qu’il habite là-bas ?

— Oui, précisément derrière cette fenêtre que vous ne pouvez plus voir. Venez, allons souper. Nous irons le voir demain matin.

Ils suivirent plusieurs ruelles et gagnèrent les lumières et le bruit d’East India Dock Road. Le