Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/133

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la force de l’âge l’impression d’une agonie ambulante. Il était réellement paralytique, voyez-vous, tandis que, moi, je ne l’étais que pour mes spectateurs, et je le fus bien mieux et bien plus que lui. Il voulut alors me battre sur le terrain philosophique. Je me défendis par une ruse bien simple. Chaque fois qu’il disait une chose incompréhensible pour tout autre que lui-même, je ripostais par quelque chose que, moi-même, je ne comprenais pas.

« — Je ne pense pas, me dit-il, que vous auriez su dégager ce principe, à savoir que l’évolution est nécessairement négative, parce qu’elle implique la supposition de lacunes essentielles à toute différenciation. » Je répondis avec mépris : « — Vous avez lu cela dans Prickwerts ; quant à l’idée que l’involution fonctionne eugénétiquement, il y a longtemps qu’elle a été exposée par Glumpe. » Inutile de vous dire que Prickwerts et Glumpe n’ont jamais existé. Mais je fus assez étonné de voir que les témoins paraissaient se souvenir parfaitement de ces auteurs.

Le professeur, se voyant, en dépit de sa méthode savante et mystérieuse, à la merci d’un adversaire dénué de scrupules, essaya de me désarçonner par une plaisanterie : « — Je vois, dit-il, que vous triomphez à la manière du faux porc d’Ésope ! — Et vous, répliquai-je, vous êtes battu comme le hérisson de Montaigne. » Je ne sache pas, je vous l’avoue, qu’il soit question de hérisson dans Mon-