Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/134

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taigne. « Voilà que vous perdez vos moyens, dit-il, on pourrait en dire autant de votre barbe. »

À cela je ne sus que dire. L’attaque était trop directe, trop juste et assez spirituelle. « — Comme les bottes du parthéiste ! », fis-je au hasard, en riant d’un air bonhomme, et, tournant péniblement sur mes talons, je m’éloignai, avec tous les honneurs de la victoire. Le véritable professeur fut expulsé, sans violence, toutefois, sauf qu’un énergumène s’épuisa en patients efforts pour lui arracher son nez. Aujourd’hui encore, il passe dans toute l’Europe pour un délicieux mystificateur. Son sérieux apparent, voyez-vous, sa colère jouée ne le rendaient que plus amusant.

— Je comprends, dit Syme, que vous vous soyez amusé, un soir, à vous affubler de sa vilaine vieille barbe. Mais, comment ne vous en êtes-vous pas débarrassé ensuite ?

— Vous me demandez la fin de mon histoire ? dit l’acteur. Voici. En quittant la compagnie, suivi d’applaudissements respectueux, je m’engageai en boitant dans une rue obscure, espérant être bientôt assez loin de mes admirateurs pour pouvoir marcher comme un homme. Je doublais le coin de la rue, quand je me sentis touché à l’épaule, et, en me retournant, je me trouvai dans l’ombre d’un énorme policeman. Il me dit « qu’on avait besoin de moi ». Je me campai dans la plus héroïque attitude que pût prendre un paralytique et m’écriai, avec un fort accent germanique : « — En effet, on